Le blues, une richesse pédagogique
Au delà de son aspect purement musical, le blues est une musique dont la riche histoire s’est nourrie des évolutions sociétales, historiques, politiques ou culturelles du XXème siècle.
Si le blues, cette musique née des worksongs des premiers esclaves africains sur le sol américain, a enfanté pratiquement tous les courants musicaux que l’on appelle aujourd’hui “musiques actuelles”, on ne peut comprendre son épopée sans la replacer dans son contexte socio-historique. Les migrations, la traite des Noirs, la ségrégation, l’exode rural, l’urbanisation, les crises, les guerres, les luttes pour les droits civiques… n’auront eu de cesse de façonner l’évolution du blues et d’écrire les pages d’une des plus belles et passionnantes aventures musicales du XXème siècle.
Le site itineraires-blues.com, conçu par Blues sur Seine et rédigé avec l’appui de spécialistes qualifiés de l’histoire des musiques afro-américaines, met à disposition des instituteurs, professeurs, bibliothécaires et éducateurs un ensemble de clés d’analyses permettant d’aborder le blues et son histoire sous le prisme de thématiques transversales et généralistes, enrichies de références documentaires et de retours concrets d’expériences.
Avec comme toile de fond l’histoire du blues, ces thématiques présentées sous la forme d’itinéraires blues permettent d’aborder auprès de tous les publics de nombreuses disciplines :
- Histoire : les migrations, le peuplement des Etats-Unis d’Amérique, l’esclavage, la guerre de sécession, la ségrégation, le klu klux klan,, les lois Jim Crow, la crise de 1929, l’exode rural, l’industrialisation (Chicago, Detroit), le mouvement des droits civiques…
- Géographie : le sud rural, les grandes villes industrialisées du nord des Etats-Unis, l’Afrique, le continent européen…
- Français : l’étude des mots du blues, son langage, sa rhétorique et son évolution…
- Education civique : les droits de l’homme, le statut de la femme, le métissage, le dialogue entre générations, la lutte pour les droits civiques (Rosa Parks, Martin Luther King…)…
- Education musicale : les différents styles et époques du blues, son influence sur les musiques populaires américaines du jazz au hip-hop en passant par le rock’n’roll, les instruments du blues…
- Anglais : les paroles et leur sens caché…
- Philosophie : l’errance, la liberté…
- Arts plastique : la représentation du noir (minstrel show, vaudevilles…), l’affiche d’un concert…
Résumé de l’épopée du blues
Riche d’un parcours initiatique d’un siècle, le blues est passé de l’obscurité à la lumière avant de s’effacer devant d’autres genres dont il avait favorisé l’émergence. Fondement de l’art musical afro-américain, le blues a transmis une large part de sa grammaire et de son histoire au jazz, au gospel et au swing avant de donner naissance au rock’n’roll au début des années 50. Cet accouchement a failli lui être fatal, l’univers du rock (et, par ricochet, l’ensemble des musiques populaires occidentales) s’étant approprié les traits caractéristiques du blues urbain de l’après-guerre, notamment la prééminence de la guitare électrique.
Avec patience, il a su attendre son heure pour renaître de ses cendres. Le disco puis le rap — autres héritiers de l’esprit du blues — ayant pris le pas sur le rock, il a pu revenir sur le devant de la scène. Au passage, il a abandonné une partie de son âme noire alors que de nombreux musiciens extérieurs à son milieu d’origine, aux États-Unis comme en Europe, choisissaient de se plier à ses règles formelles et thématiques.
Après un siècle d’existence, le blues n’a pas perdu pour autant toute son audience chez les Afro-Américains. Transcendé par les créateurs du jazz d’après-guerre, rejeté par les apôtres de la soul qui refusaient d’y voir le reflet de leur âme, il a longtemps fait figure de parent pauvre
au sein de l’Amérique noire ; pour avoir survécu dans une poignée de bars de ghettos, il a trouvé une nouvelle jeunesse auprès d’un public populaire sudiste dans les années 80, avant d’être reconnu aujourd’hui par l’intelligentsia noire-américaine comme l’un des piliers de son histoire.
Grâce à cette reconnaissance, mais aussi par son universalité, le blues n’est désormais plus en péril. Quelles que soient les formes qu’il prendra à l’avenir, l’esprit qui l’anime reste l’un des acquis majeurs de la culture contemporaine.
SÉBASTIAN DANCHIN
Historien et journaliste, spécialiste des musiques noires et de l’Amérique.