Blues et ségrégation
Itinéraires thématiquesL’abolition de l’esclavage va altérer profondément et durablement l’interpénétration des cultures. Ayant acquis l’égalité électorale, les Noirs demeurent en fait au ban de la société, notamment dans le Sud où la majorité des Blancs refusent de les considérer comme des égaux et voient même en eux des rivaux. C’en est fini du paternalisme condescendant, la ségrégation va tout tenter pour mettre la communauté noire à l’écart. C’est dans cet isolement douloureux que cette dernière va générer sa propre culture. Le blues en sera un élément capital.
Le mouvement abolitionniste, né dans le Nord au début du XIXème siècle, rencontra rapidement les ambitions des capitalistes du Nord, désireux de faire entrer le Sud dans leur modèle économique. A l’issue d’une guerre fratricide qui allait durer quatre ans, l’esclavage fut aboli en 1865 sur toute l’étendue de l’Union.
La loi sur les droits civiques de 1866 (Civil Rights Law) donna aux Noirs le statut de citoyens à part entière. Mais les États sudistes cherchèrent aussitôt à contourner la loi, au besoin en terrorisant la population noire : en 1866 est fondé, dans le Tennessee, le Ku Klux Klan, société secrète rassemblant des partisans de l’esclavage dont les moyens d’action consistent dans l’emploi de la violence, le recours aux déguisements pour effrayer les Noirs, les lynchages, etc.
Rendue possible par le régime fédéral qui gouverne les États-Unis depuis leur origine et permet aux états de régler localement le statut de leurs citoyens, la ségrégation s’imposa progressivement : séparation dans les transports, les écoles, les églises, les cimetières, exclusion des Noirs des salles de spectacles, etc. Dix ans après la fin de la guerre, l’ancienne classe dominante des planteurs avait repris le pouvoir dans les états du Sud et, à coup d’artifices juridiques, s’employa à priver progressivement les Noirs de tous leurs droits.
La majorité de la population de l’Union se désintéressant complètement de la condition des Noirs, la Cour suprême, garante du respect de la constitution, se garda bien d’intervenir afin d’éviter de raviver le conflit avec les états du Sud. L’arrêt « Plessy contre Ferguson » fondé sur le principe « separate but equal » fut promulgué en 1896 et inaugura le vote de lois locales appelées communément les « lois Jim Crow » qui permirent aux États du Sud de pousser la ségrégation à l’extrême.
Entre 1900 et la première guerre mondiale, la situation des Noirs atteignit des dimensions dramatiques difficilement imaginables alors que dans le Nord, la proportion de population de couleur était encore très faible. Les lois Jim Crow ne furent abolies qu’en 1964.
Texte : Gaby Bizien / Blues sur Seine. Tous droits réservés
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