Black Music : des chaînes de fer aux chaînes en or sur Arte
Dossier thématiqueExtrait du site www.arte.tv
Comment la musique noire a rythmé le combat pour l’émancipation des Afro-Américains sur près de deux siècles, des champs de coton du Sud profond aux ghettos du Bronx. Un ébouriffant maelström de sons et d’images.
Résumer plus d’un siècle et demi d’histoire des Noirs américains et de leur production musicale en moins de deux heures relève de la gageure. C’est pourtant le pari gagné par les réalisateurs, qui plongent le spectateur dans un ébouriffant maelström de rythmes et d’images. Les racines de toutes les musiques nées aux États-Unis, du blues au hip-hop, se trouvent en Afrique. Tout comme les spirituals et les work songs ont accompagné et soutenu l’espoir des esclaves enchaînés dans le Sud profond, chaque avancée, chaque combat des Noirs américains a été annoncé, célébré ou amplifié par le rythme, le chant, la danse.
La pulsation de l’Histoire
Au son de mélodies et de paroles qui ont conquis le monde entier, les grandes étapes de l’histoire défilent. L’abolition de l’esclavage, le maintien de la ségrégation dans le Sud, la lutte pour les droits civiques, les grandes émeutes urbaines, mais aussi les Années folles, les Trente Glorieuses, le capitalisme triomphant de la période Reagan ou le matérialisme arrogant de l’ère Bush Junior : à chaque événement, chaque époque, correspond un style musical. On se noie dans le swing et la trompette de Louis Armstrong pour oublier la Grande Dépression, on s’étourdit au son du disco pendant la crise économique des seventies. Les chansons les plus célèbres prennent valeur de manifestes politiques : le terrible “Strange fruit” de Billie Holiday ou l’acerbe “Mississippi Goddam” de Nina Simone et plus tard les explosifs “I’m black and I’m proud” de James Brown ou “Fight the power” de Public Enemy.
Les discours de Martin Luther King, de Malcolm X ou de Jesse Jackson sont relayés par des hymnes soul (“A change is gonna come” de Sam Cooke en 1964) ou des concerts (Wattstax, dit le “Woodstock” noir, en 1972). Les deux dernières décennies voient peu à peu disparaître l’agit prop, encore à l’oeuvre chez les rappeurs en colère de NWA en 1989 dans “Fuck the police”, au profit de la célébration hédoniste de la réussite matérielle du gangsta rap et des poupées du R’n’B. Jusqu’aux ravages causés dans la région par l’ouragan Katrina, quelque chose de l’esprit originel de la musique noire subsistait encore dans le Deep South, où elle naquit dans la pauvreté la plus extrême, dans les jukes joints du Mississippi ou les bordels de La Nouvelle-Orléans. Le réalisateur choisit de clore cette dense traversée par la candidature d’un homme noir, qui fait swinguer les coeurs dans une Amérique où Noirs et Blancs n’ont toujours pas le même traitement. Barack Obama, premier président rock’n’roll ?