Ateliers d’écriture blues sous contrainte stylistique
Une contrainte stylistique est un principe que l’on s’impose pendant l’écriture : écrire avec un rythme et des rimes, en se privant de telle ou telle lettre, ou avec des règles sur les sentiments, les personnages. La langue, le récit, parfois même la pensée initiale doivent faire un écart pour respecter cette contrainte. Cet écart est créatif, créateur.
Contrainte principale : la musique blues, les bluesmen, l’imaginaire du blues.
Exemples de contraintes stylistiques
Exemples :
Acrostiche de Blues écrit par Ayoub
Boulot
Liberté
Univers
Escalve
Solo
Acrostiche de Paradis écrit par Mustapha
Je me sens plein de Puissance
Je me sens vivre mon Ame
Je suis plein de Réjoissance
J’aperçois un Ange
J’entretiens une rencontre avec Dieu
Il me promet l’Imortalité
Et je vois le grand Seigneur
Acrostiche de Prison écrit par Habiba
Peu
EnfeR
CoIncé
PosSédé
MensOnge
VaiNcu
Acrostiche d’Enfer
Tout le monde a un Espoir
La Nervosité augmente le désespoir
Le Feu brûle tout
L’Esprit est partout autour de nous
Le Rythme d’une chanson nous sert de maison
Suite à un travail sur le blues, à une visite d’exposition… demander aux élèves de faire un bilan individuel à l’aide de leurs documents, en utilisant un mot par initiale.
Exemple :
A comme au-delà de l’âme
B comme le berceau du blues
C comme les champs de coton
D comme discrimination
E comme envoûtant
F comme Fruteland Jackson
G comme guitare
H comme harmonica
I comme improvisation
J comme jazz
K comme Keïta Salif
L comme lueur d’espoir légendaire
M comme Mississippi
N comme noires notes
O comme origines
P comme piano
Q comme quartier du ghetto
R comme rap et riff
S comme slam et swing
T comme tempo
U comme universel
V comme virtuose
W comme white
X comme xénophobes
Y comme yourcenar
Z comme zydeco, le blues des cajuns
Proposer aux participants de composer un petit poème en commençant obligatoirement par “Ce qui me donne le blues, c’est…”
Exemples :
“Ce qui me donne le blues, c’est la violence, le racket, l’injustice, la loi du plus fort, le enfants maltraités, les femmes ou les filles qui portent le foulard et sont soumises aux gens, la guerre et plein d’autres choses comme le racisme, la discrimination.”
Nadia
“Ce qui me donne le blues, c’est de voir des enfants sans parents, qui vivent en foyer ou seuls ; la plupart sont abandonnés dès la naissance… je comprends pas pourquoiça existe encore alors que leurs mères souffrent pendant l’accouchement.”
Habiba
“Ce qui me donne le blues, c’est :
– les garçons
– quand je suis chez moi et que je dois faire le ménage
– quand je vois ma mère se lever à 4 heures du matin pour aller au travail
– rester en France quand ma famille est au Maroc.”
Nassira
Proposer aux participants de rédiger un poème blues avec des vers en français et en anglais.
Exemple :
Tous les matins je vais à l’école
Mais je n’aime pas l’école
Every morning I go to school
But I don’t want
Because I don’t like school
Tous les matins je porte mon cartable
Mais je n’aime pas porter mon cartable
Every morning I take my schoolbag
But I don’t want
Because I don’t like carrying my bag
Tous les ans je vais au Sénégal
Je prends l’avion pendant cinq heures
Je prends le taxi, je prends le car
Je suis fatigué mais je suis heureux
D’être au Sénégal
Every year I go to Senegal
And I like it
I take the bus, I take the car
I feel tired but happy to see Senegal
De manière simplifiée, elle donne :
A | Am | A | A7 |
D7 | D7 | A | A |
E7 | D7 | A | A (ou E7) |
En musique, A signifie la, D signifie ré, E veut dire mi, Am vaut pour la mineur, E7 signifie un accord en mi septième.
On peut appliquer cette structure à l’écriture, en s’imposant douze phrases obéissant à des règles de sens, d’intention. On pourra ou non respecter un rythme, une prosodie.
Exemple 1 : A vaudra pour amitié, affection, D pour désespoir ou tristesse, E pour ennui ou indifférence.
Une rose rouge qu’on place dans un verre
Une carte postale qu’on glisse dans la boîte
Une petite fille dont on prend la main
Une vieille mère dont on soutient la marche
Un comprimé de morphine avalé
Un regard sur un train qui part
Une nouvelle rose rouge qui remplace l’ancienne
Un petit garçon qui embrasse sa soeur
Un bâillement étouffé dans un dîner en ville
Une larme qui coule et qui noircit la joue
Une mère qui porte un bébé dans ses bras
Une rose rouge qu’on place dans un vase.
Exemple 2 : A signifiera immobilité, D marche, E, mouvement rapide. On s’impose de ne pas retrouver les personnages dans chaque strophe au même vers (Zoé est ainsi en position 1, puis 4, puis 2).
Zoé regarde son gâteau d’anniversaire
Farid est resté coincé dans un embouteillage
Le vieux Paul s’est assis, il respire mal
Anna se demande si la robe lui va bien
Le vieux Paul se lève, va vers la pharmacie
Anna entre dans la boutique
Farid est de nouveau coincé, un peu plus loin
Zoé compte les bougies de son gâteau : sept
Anna quitte la boutique en courant, son bipeur sonne
Zoé court vers ses cadeaux, malgré l’absence de son grand-père
Le vieux Paul est allongé sur le sol, inconscient
Farid active la sirène de son ambulance.
Qu’est-ce qu’une kyrielle ? Marabout-bout de ficelle – selle de cheval… en est le meilleur exemple. C’est un texte où s’enchaînent les phrases, la nouvelle commençant comme finit la dernière. Ce sont ici des tableaux sans tableau, où se reflète ce qu’évoque chez nous le blues.
Exemple : ici, l’écriture est collective, chacun passant son texte à son voisin. La dernière écrite, on le voit, se rattache à la première.
Champ de coton écrasé par le soleil de Virginie
Nicotine, cannabis, tabac, tout ça finissant toujours en fumée
Maîtres observant leurs esclaves, au rythme lent de leurs pas disparaissent à l’horizon
Zombie se levant la nuit au milieu d’un champ
Chanteuse noire ayant cassé son talon
Long, long silence précédant les premières mesures du concerto
Taureau piqué par un taon chassé par les esclaves
Clavier de piano où l’on joue One more marshmallow
Halo de fumée enveloppant la boîte de nuit
Nuit étoilée dans un ciel sombre
Ombre du micro sur la robe blanche de Billie Holiday
Idées noires, de plus en plus sombres, immenses chauve-souris accrochées aux branches
Enchaînés, en sueur, esclaves noirs récoltant le blé
Blade Slim Billy (1903-1981) photographié au Madison Hall en uniforme de marine
In a sentimental mood sussuré a cappella par la voix chaude d’Ella
Dès la première heure, esclaves entonnant Oh when the saints go marching in tout en marchant.
Le sizain combinatoire se compose sur la base de règles de construction (pour les rimes, la syntaxe et la rythmique) permettant la permutation.
Chaque participant compose ici un sizain, c’est-à-dire un poème de six vers. Il respecte à la lettre une règle très simple qui autorise toutes les histoires, n’interdit aucun thème, et le limite seulement en longueur et en syntaxe.
Combinez ces vers entre eux, en choisissant un premiers vers, puis un deuxième, etc et vous obtiendrez un sizain parmi plus d’un million.
Premier vers :
Quand le blues a mauvaise mine
Quand on se saoule à New Orleans
Quand on n’est même plus has been
Quand le piano joue en sourdine
Quand on n’a plus de mandoline
Quand le chanteur a une angine
Quand on chante dans sa cuisine
Quand même la voix se débine
Quand elle est morte, Marilyn,
Quand on est en taule à Sing Sing
Quand on écoute Memphis Slim
Quand on boit de la gazoline
Quand on a bu du Rhum & Gin
Deuxième vers :
Le pianiste joue du piano
Harry va jouer au loto
Le soleil du matin est beau
Le guitariste prend la moto
Le bassiste conduit le bateau
Voici le lever du rideau
Le musicien prend son banjo
Troisième vers :
C’est par un matin d’opaline
Un air emplissait la colline
À l’heure où sonnent les mâtines
L’enfant joue de la mandoline
Les cloches sonnent ding, ding, ding, ding
Écoute le blues in the morning
Miles Davis, là, on l’imagine
La trompette surgit, divine
Accompagnant une comptine
Quatrième vers :
Et Petrucciani joue faux.
Et la chanteuse oublie l’intro
Et la partition tombe dans l’eau
Et John dit : “Les gars, trop, c’est trop”
Et ça fait bzz dans le micro
Et sa voix pleure comme un tango
Et ils reprennent tous da capo
Et Miles Davis oublie Gréco
Et Ella porte des talons hauts
Et Jonasz avale son mégot
Cinquième vers :
Pourquoi m’a-t-elle abandonné ?
Pourquoi est-ce qu’on est mal né ?
Passera-t-on sa vie à jouer ?
Où est passée ma fiancée ?
Pourquoi s’entêter à danser ?
Peut-on mieux rêver à chanter ?
Pourquoi n’avez-vous espéré ?
Ma vie a-t-elle mal débuté ?
Comment vouloir encore l’oublier ?
L’avenir a-t-il débuté ?
Sixième vers :
Allons danser chez les pompiers
Le bluesman est souvent drogué
Le matin, on est dessaoulé
Qui, le matin n’est pas crevé ?
Staline était un beau bébé
Il faut choisir : boire ou chanter
L’alcool fort, ça fait dérailler
Il faut pas froisser ses papiers
Oh mince, la télé est cassée
On n’est pas dans un lit carré
N’en parlons plus, c’est du passé.
Il s’agit de construire une fiction aboutissant à une conclusion, une chute, dont le son ressemble à un mot, une suite de mots fixés au départ.
L’exercice a porté sur les noms de deux bluesmen, pas forcément très connus : Arthur Montana Taylor et Myron Tiny Bradshaw.
Exemple 1 : Arthur « Montana » Taylor
A la Cour de Bretagne, s’affrontèrent en tournoi le roi Arthur et le chevalier Lancelot pour l’amour de Guenièvre, épouse de l’un et maîtresse de l’autre.
A cheval, Arthur monta sans effort, Lancelot fit de même.
Les deux cavaliers se placèrent face à face, lance au poing.
Guenièvre s’approcha de son amant chéri dont elle appréciait le caractère rebelle, sans Dieu ni maître et lui glissa à l’oreille :
Assure mon anar, t’as peur ?
Mais Lancelot ne craignait rien, il s’élança et planta sa lance dans l’oeil du roi Arthur qui tomba à terre, inerte.
Guenièvre alors se précipita vers le roi et murmura en relevant son heaume :
Ah sûr, mon canard, t’es mort !
Pour lui faire une surprise, j’avais donné rendez-vous à mon amoureux au deuxième étage de la Tour Eiffel à midi pile.
A 11h, il m’appelle, en colère : “T’es folle, quelle idée, me dit-il, tu sais que j’ai le vertige, il fait froid, il y a du vent, du brouillard, on ne verra rien, il faut faire la queue pour l’ascenseur, ma voiture est en panne, il faut que je trouve un taxi, bref, je ne…”
Je lui raccroche au nez très déçue, tout ça pour :
Un r’fus d’monter là à l’heure.
Rimbaud et Verlaine vont à l’opéra. Le premier critique tant le chanteur après la représentation, que ce dernier fond en larmes. Verlaine le console en le rassurant sur sa maîtrise et la mauvaise foi du poète :
Arthur ment. T’as l’art, ténor.
Exemple 2 : Myron Tiny Bradshaw
Le poète anglais Lord Byron était un dandy renommé pour sa coiffure toujours impeccable car il se faisait couper les cheveux toutes les semaines.
Jaloux, Keats dit un jour de lui ; « S’il continue à fréquenter aussi assidument les salons de coiffure,
Byron finira chauve !
Lors d’une réception, le maître de maison s’aperçoit que Tiny, sa domestique est très peu vêtue : pas de tablier, une simple robe très décolletée.
En homme du monde, il s’excuse auprès de ses invités légèrement offusqués et dit :
Ma bonne, Tiny, a chaud
Hier soir, pour la première fois j’ai emmené ma mère en teboi pour faire la teuf. Elle a bu 3 sky, elle pécho un djeu, elle a fumé un tarpé, elle est super ma mère :
Ma rem timide parade à chaud
Cette jeune femme avait froid. Elle mit un pull de laine et s’approcha du poêle. Hélas, l’étoffe prit feu et elle se brûla la poitrine.
Maille rôtie, nibard chaud.
Certains hommes, un peu rustres, fort peu dégourdis, vont pourtant souvent au music-hall. Ils se mettent dans un coin de la salle, assistent au spectacle discrètement, très impressionnés. Une expression du métier dit d’eux :
Marauds timides, rats de show.
A partir d’une notice, et d’un simple décalage d’univers, écrire les autres vies possibles d’un bluesman.
Exemple : la vie de Wynonie Harris
Wynonie HARRIS (1915-1969) a débuté dans l’orchestre de Lucky Millinder créant le savoureux Who threw the whisky in the well ? Après la guerre, son extrême décontraction, sa forte présence scénique et sa prédilection pour les rythmes trépidants lui ont permis de faire une carrière personnelle assez fructueuse dont on peut apprécier les meilleurs moments sur les albums Rock Mr blues (Charly), Good rockin’blues (Gusto), Mr Blues is coming to town, Oh Babe et Playful baby (Route 66).
Les autres vies de Wynonie Harris
Wynonie Harris (1915-1969) a débuté dans le cabinet de Lucky Millider en construisant son prodigieux “Johnny Walker Whisky Building”. Après la guerre, son extrême sens des équilibres, sa forte originalité formelle, et son goût pour les défis architecturaux lui ont permis de faire une carrière internationale assez prestigieuse, dont on peut admirer les principales réalisation pour l’Opéra de Shanghai, le “Blues Harmony Hall” de Londres, et la bretelle d’accès de la route 66 à Memphis.
Wynonie Harris (1915-1969) a débuté dans le cirque de Lucky Millider en créant le numéro de l’homme volant. Après un accident dramatique, son extrême dislocation, sa forte popularité auprès du public et son goût prononcé pour les chocs violents lui ont permis de faire une carrière personnelle. On se souvient des numéros de l’Ange déchu (Cirque Pinder), la chute d’Icare (chez Fratellini), le Bombardier en feu (toujours chez Fratellini), enfin, le spectaculaire numéro dit du 11 septembre
(chez Bouglione).
Wynonie Harris (1915-1969) débute dans l’équipe d’Atlanta entraîné par Lucky Millinder. Il inventa le magnifique dunk. Après le match contre l’équipe des Bradshaw, son extrême agilité, sa forte présence défensive et son admiration pour les lancers francs lui ont permis de gagner la finale dont on peut apprécier les meilleurs joueurs comme Larry Brown, Nate Robinson, Bobby Knight et d’autres.
Wynonie Harris (1915-1969) débute dans l’hôpital de Lucky Millinder. Il inventa la chirurgie esthétique. Après l’épidémie de peste qui a décimé les États-Unis, son extrême rapidité, sa forte présence médicale et son admiration pour la médecine douce lui ont permis de travailler avec les
meilleurs médecins comme Dr House, Dr Bancroft, Dr Sheperd, Dr Burk et plein d’autres.